artiste/ CARLOS MEIJIDE
ARGENTINA
Je n’ai jamais abandonné l’objet.
L’objet n’est pas intéressant en soi.
C’est l’environnement qui crée l’objet. »
Henri Matisse
En période d’incertitude, la fonction de l’art devient encore plus pertinente, devenant un refuge. Qu’il soit rempli de luxe, de calme et de volupté, comme le comprenait Matisse, ou comme un espace transcendantal dans lequel connecter et transmettre notre subjectivité, comme le ressentait Rothko. L’art nous permet de nous évader mais en même temps nous questionne, transformant notre façon de comprendre le monde et d’affronter la réalité. L’art est avant tout un mystère.
Révéler ce mystère devient une nécessité pour l’artiste, et cela se révèle dans le cas de Carlos Meijide, qui, au fil des années, a réfléchi sur les capacités esthétiques de chacun des éléments qui composent le tableau. Inspiré par les grands maîtres de l’histoire de l’art, dont Matisse, il se concentre sur les effets de couleur indépendamment de l’aspect naturel, l’appréhendant comme un principe radical dans la construction de ses pièces. Son contact avec la peinture en plein air lui a appris une autre façon de voir, appréhendant les couleurs comme une émanation de lumière, qui se manifestent à travers des passages ou des contrastes, générant des volumes à travers des tons froids ou chauds et estompant les limites des formes, conséquence de l’effet atmosphérique. La lumière est intégrée au tableau.
Cette façon de voir à travers la couleur s’accompagne d’une discipline esthétique innée chez l’artiste, des compositions lumineuses dans lesquelles, même si, en tant que spectateurs, nous pouvons trouver des signes d’une représentation de la vie, presque comme s’il s’agissait d’un jeu déductif, ces formes suggérées ne sont que le seuil qui permet d’accéder à ce qui est vraiment intéressant : la construction picturale elle-même, rendant l’espace visible à travers la couleur, sans tomber dans la banalité de la figuration. Et comme Matisse l’a bien compris, l’objet représenté n’est pas ce qui est intéressant, ce qui mobilise l’esprit, c’est l’environnement qui le crée.
De cette façon, nous sommes confrontés à des pièces d’un caractère clairement contemplatif, même à partir du processus créatif lui-même, puisque l’artiste recueille des impressions des lieux qu’il a visités. Photos, croquis et souvenirs sont sa matière de base en atelier, déversant sur la toile un amalgame de sensations et d’émotions. D’un coup de pinceau sensuel et vaporeux, il souligne le plan bidimensionnel pour transmettre des effets de couleurs évocateurs. Des œuvres intenses, pleines de vie, qui représentent avec calme ce qu’il ressent, sans étouffer l’esprit.
Izaskun Monfort. Conservateur indépendant et critique d’art.