artist/ Karl Beaudelere
France

Artiste insatiable et mystérieux, Karl Beaudelere, ainsi qu’il s’est lui-même dénommé en hommage au poète des Fleurs du Mal, est un parfait autodidacte originaire de Marseile (où il s’est d’abord formé aux métiers de l’imprimerie avant d’enchaîner divers emplois sans lien direct avec la création), et dont les autoportraits au miroir, saisissants d’expressivité, ont fait connaître hors de nos frontières la maîtrise exceptionnele de son médium d’élection : l’humble Bic, bon marché, immédiatement et partout accessible, qu’il emploie en véritable peintre du regard douloureux et de l’inquiétante étrangeté, d’un trait vif qui semble répondre à l’agressivité balistique de la bile d’acier. Travailant quelquefois plusieurs semaines, voire plusieurs mois, sur certaines œuvres de grand format, scrutant sa propre image reflétée dans le miroir qui lui sert d’interlocuteur, ou laissant le souffle d’une impulsion intérieure guider son geste, le créateur hors normes qu’il est donne vie à d’étranges figures, tantôt redoutables, tantôt consolatrices, qui présentent l’originalité d’être déterminées non par des contours bien définis, mais par une accumulation frénétique de circonvolutions furieusement entremêlées qui prolifèrent, se propagent et se superposent, jusqu’à faire apparaître du néant immaculé de la page une présence humaine et spectrale, toujours changeante, mais cependant chaque fois reconnaissable, qui par la magie d’un paradoxe subtilement maîtrisé demeure invariablement la sienne même quand ele semble cele d’un autre. Déterminé à repousser les frontières de son art, Karl Beaudelere nous délivre un univers complexe, syncrétique, où s’entremêlent hommages aux Maîtres baroques, influences baudelairiennes et références à la culture populaire des Comics, dont il détourne divers éléments pour dresser, en les confrontant aux grands thèmes de l’iconographie occidentale que sont la métamorphose et la spécularité du Double, le portrait mouvant et démultiplié d’une (auto)mythologie paralèle de la civilisation contemporaine. Issus d’un processus unique, ses visages mélancoliques à la pénétrante et noueuse gravité, comme ses représentations de « Super-Hérauts », témoignent d’une profonde quête de sens et d’identité, placée sous le signe omniprésent du masque et du reflet, dans le silag e des Fleurs du Mal de Baudelaire. Toutes ces créations, dans leur diversité, convergent avec profondeur vers l’insurpassable recueil du poète, qu’il « ressasse » inlassablement, et dont il a tatoué des extraits sur son propre corps jusqu’à l’en recouvrir tout entier. Coiffé d’une cagoule retournée, qu’il customise et rehausse d’inscriptions cryptiques en rapport avec la vie et l’œuvre de ce prédécesseur tutélaire dont il se déclare avec conviction « l’entité » vivante, ce gaucher visionnaire et disruptif, qui signe également depuis quelques années ses œuvres d’un énigmatique « KXB7 », dissimule son âge et son identité réele au mêmetitre que son visage, à l’instar des icônes super-héroïques auxqueles il s’identifie. Entré à la Colection de l’Art Brut de Lausanne, qui lui a consacré son exposition monographique de l’été 2022, il multiplie les projets artistiques, tout en continuant d’alimenter sa pratique autoportraiturale d’incessantes recherches formeles expérimentales, à la rencontre de ce qu’il apparente désormais à une « défiguration », évoluant d’une sorte d’abstraction fantastique au pointilism e le plus radical. Après de nombreuses expositions et la parution, chez Les Cahiers Dessinés, d’une première monographie en 2022, un nouvel ouvrage dédié à son travail est actuelement en cours de conception sous l’égide de la galerie Laurent & Laurent.